Un site web peut être parfaitement conforme au RGAA et pourtant, pour un non-voyant, ressembler à un terrain miné. Les directives se multiplient, les audits s’empilent, mais sur le terrain, la navigation reste souvent hachée, laborieuse, fragile. L’absence d’alternatives textuelles aux éléments graphiques interactifs n’est plus seulement un oubli technique : c’est un risque de sanction financière, et surtout, la certitude que la navigation restera inachevée pour nombre d’utilisateurs.
En France, la législation fixe un cap clair : tous les services publics doivent être accessibles d’ici 2025. Les entreprises privées employant plus de 250 salariés sont également dans le viseur, sous peine de pénalités. Pourtant, dans les faits, une majorité de formulaires en ligne restent inutilisables en autonomie : les bases techniques ne sont pas respectées, et l’assistance humaine demeure la béquille forcée de trop d’usagers.
Plan de l'article
L’accessibilité numérique : un enjeu d’inclusion pour les non-voyants
L’accessibilité numérique ne se limite pas à une question de conformité technique : elle façonne une société où chacun peut accéder aux services numériques sans obstacle. Les personnes non-voyantes, celles en situation de handicap, mais aussi les personnes âgées, sont en première ligne. Rendre un site web ou une application mobile réellement utilisable par tous, c’est offrir une expérience fluide, respectueuse des besoins de chacun, sans sacrifier la performance ni l’innovation.
Aller au-delà du simple respect des normes, c’est garantir une qualité d’usage qui rejaillit sur l’ensemble des utilisateurs. Un site accessible améliore aussi sa visibilité sur les moteurs de recherche, renforce le référencement naturel et favorise l’inclusion sociale. Les services numériques deviennent alors un outil d’autonomie, là où la dématérialisation aurait pu laisser certains sur le bord du chemin.
Voici quelques points clés pour cerner la portée de l’accessibilité numérique :
- L’accessibilité numérique vise à rendre tous les services numériques abordables, quels que soient l’âge ou la situation de handicap.
- Elle profite d’abord aux personnes non-voyantes, mais améliore aussi le confort d’usage pour un large public, notamment les seniors.
- Une interface pensée pour tous réduit la fracture numérique et favorise l’inclusion.
La France a posé un cadre ambitieux, mais la réalité met en lumière l’ampleur du défi. Pour transformer l’inclusivité numérique en acte concret, les services publics et privés doivent poursuivre leur adaptation, afin que chacun puisse utiliser l’ensemble des fonctionnalités proposées, sans restriction ni détour.
Quels obstacles rencontrent les personnes non-voyantes sur le web aujourd’hui ?
Pour une personne non-voyante, naviguer sur internet s’apparente trop souvent à une succession de difficultés. Certes, les lecteurs d’écran et afficheurs braille ouvrent la porte au web, mais ils se retrouvent fréquemment bloqués : contenu désorganisé, images sans description, menus impossibles à explorer. Résultat, seuls 3 % des sites français proposent une navigation réellement adaptée aux besoins des non-voyants.
Les technologies d’assistance, qui convertissent le texte en synthèse vocale ou en braille, ne peuvent rien sans un code structuré, des balises propres, des alternatives textuelles et des liens clairs. Quand ces éléments manquent, chaque bouton devient une énigme, chaque image, un silence frustrant.
Voici les principaux obstacles rencontrés :
- Images dépourvues de texte alternatif : l’information visuelle devient inaccessible.
- Menus déroulants impossibles à activer au clavier : la structure du site s’efface pour les outils d’assistance.
- Liens aux intitulés vagues : la destination reste incertaine, la navigation s’enlise.
Les contenus complexes, tels que les PDF non balisés ou les vidéos sans transcription, échappent eux aussi à la plupart des technologies d’assistance. La multiplication des interfaces sophistiquées, couplée à une standardisation insuffisante, aggrave le fossé. Les personnes en situation de handicap se retrouvent alors privées d’informations capitales, exclues d’usages devenus courants pour la majorité, loin de l’autonomie promise par le numérique accessible.
Règles essentielles à connaître pour rendre un site accessible
Respecter les standards de l’accessibilité numérique n’est pas une option : c’est une exigence pour tout service numérique à destination du public. En France, le RGAA s’appuie sur les recommandations WCAG du W3C et la norme européenne EN 301 549. Ces textes reposent sur quatre axes : perceptibilité, utilisabilité, compréhensibilité et robustesse.
Pour rendre un site vraiment utilisable par les personnes non-voyantes, il faut anticiper leurs besoins dès la conception. Chaque image mérite une alternative textuelle, chaque fonctionnalité doit être accessible au clavier, chaque lien doit annoncer clairement sa destination. Pour les médias (audio, vidéo), il est indispensable de fournir une transcription ou des sous-titres. Un tableau ou une vidéo sans description reste muet pour un synthétiseur vocal.
Pour faciliter la mise en œuvre, gardez à l’esprit ces pratiques :
- Structurez vos titres et paragraphes avec des balises HTML appropriées : cela rend la page lisible pour les outils d’assistance.
- Assurez un contraste suffisant entre le texte et le fond : la lisibilité s’en trouve nettement améliorée, notamment pour les personnes âgées ou malvoyantes.
- Vérifiez que chaque élément interactif peut être actionné à la touche « tabulation ».
Pensez à tester régulièrement vos pages avec un lecteur d’écran et à consulter les audits d’accessibilité, qu’ils soient automatisés ou réalisés manuellement. Mettre en pratique ces recommandations offre une expérience plus fluide à tous les utilisateurs, et renforce l’inclusion numérique.
Ce que dit la loi : obligations actuelles et évolutions à anticiper
Depuis 2005, la législation française impose la mise en accessibilité des services numériques publics. Le RGAA constitue la référence pour juger la conformité des sites web et applications mobiles. Tous les organismes publics, collectivités, ministères, établissements, entreprises délégataires d’une mission publique, sont tenus de publier une déclaration d’accessibilité à jour. Ce document détaille l’état de conformité, liste les contenus hors d’accès et précise les dispositifs d’assistance disponibles.
L’Europe a élargi la portée de ces exigences : la directive (UE) 2019/882 s’applique désormais au secteur privé. Le décret n° 2023-931 adapte la loi française, obligeant les entreprises qui proposent des produits ou services numériques au public à s’y conformer, à l’exception des microentreprises. Le marquage CE devient un indicateur de conformité pour les dispositifs électroniques.
Le champ des obligations s’étend aussi à l’accessibilité téléphonique, encadrée par l’ordonnance n° 2023-857. La DGCCRF et le ministère chargé des personnes handicapées surveillent l’application des règles, avec des sanctions financières à la clé en cas de manquement. Le défenseur des droits peut intervenir en cas de défaut d’accessibilité, offrant un levier supplémentaire aux personnes concernées.
Les acteurs publics doivent aussi formuler une stratégie dans un schéma pluriannuel de mise en accessibilité, document qui précise les priorités et le calendrier des actions prévues.
Demain, la navigation accessible ne sera plus un luxe ni un vœu pieux, mais la norme. À chacun d’inventer le web qui ne laisse personne de côté.


